Le chien agressif

Quand on parle d’agressivité du chien, il est impératif de se rappeler que le chien est un animal sociable (au sens premier du terme) qui ne vit qu’en collectivité, que le chien est capable d’apprendre spontanément de nouveaux comportements et qu’il existe plusieurs types d’agressivité.

Le chien manifeste spontanément 5 types d’agressivité, aux déroulements et aux conséquences différentes :

- l’agressivité territoriale - celle du chien qui mord quand on rentre dans sa niche - est spontanée, et peut être facilement augmentée ou diminuée par l’éducation. Généralement, le chien prévient avant de mordre (grognements, retroussement des babines, déplacement des oreilles...), et l’intensité de la morsure dépend des autres possibilités de défense de l’animal, en particulier la possibilité de fuir, fuite souvent préférée par le chien s’il en a la possibilité.

- l’agressivité maternelle - celle de la chienne qui mord quand on s’approche des chiots - est similaire : la chienne prévient, mais la morsure est souvent plus grave pour défendre les chiots. Elle peut être réduite par l’éducation.

- l’agressivité de prédation - celle du chien qui attaque le bébé à 4 pattes (les couches sales sont très attirantes pour le chien, charognard à l’origine) qui passe devant lui... Elle est grave (le chien chasse pour mettre à mort sa proie), ne peut pas être traitée, et le chien ne prévient pas sa « proie » avant de chasser, même si son attitude permet de prévoir l’attaque. La gravité des morsures dépend toutefois bien évidemment de la taille du chien, tout animal de plus de 20 kg pouvant causer des dommages irrémédiables à un enfant.

- l’agressivité d’irritation ou de douleur - celle du chien qui mord quand on lui marche sur la patte - est peu modulable par l’éducation, tout au plus peut-on augmenter les signes annonciateurs et diminuer l’intensité de l’agression. La morsure est souvent intense et longue, l’animal se sentant agressé physiquement, et les signes annonciateurs sont souvent frustres, voire absents chez le chien qui mord avant d’avoir mal (chien blessé par exemple).Ces signes annonciateurs ne sont pas visibles pour un enfant, ce qui explique en partie que plus de 70% des morsures d’enfants sont dues à un chien connu de l’enfant, chien de la maison ou de la nounou…

- l’agressivité hiérarchique - celle du chien qui mord quand on veut le faire descendre du lit - est étroitement liée au statut social du chien, et par conséquent très facilement modifiable (sciemment ou non) par l’éducation donnée au chiot puis entretenue chez l’adulte. Les signes annonciateurs et l’intensité de l’agression varient au cours du temps selon les conséquences des morsures précédentes, jusqu’à l’extrême où le chien mord sans prendre la peine de prévenir, chacune de ses sommations précédentes étant restées sans réponse.

Par phénomène de meute, la présence d’autres chiens augmente le risque et surtout la gravité de l’agression : l’attaque déclenchée par un animal, quelle que soit sa raison, conduit les autres à se joindre à la bagarre.


On peut ajouter deux autres causes pathologiques d’agressivité :
- l’agressivité par anxiété : le chien communique plus par des gestes et des attitudes que par des sons. En cas de désaccord entre une demande parlée et une attitude gestuelle, le chien obéira préférentiellement à l’ordre implicite donné par la posture de son « interlocuteur ». La punition qui résulterait de la désobéissance de l’ordre verbal aura comme conséquence un état d’angoisse importante du chien. La répétition de telles situations peut entraîner des pathologies graves se traduisant selon l’individu par une anxiété profonde ou par un état de rébellion permanent, donc dans tous les cas une destruction du code comportemental normal du chien, qui fera « n’importe quoi » sans prévenir de cette action.

- l’agressivité du chien non sociabilisé, qui n’a jamais eu de contact fréquent et apaisé avec : un chien d’un autre type, un chat, un barbu, un asiatique... et qui ne peut avoir de réaction normale vis-à-vis d’un « alien » inconnu.


Au cours des premières semaines de vie, le chiot doit apprendre à limiter sa morsure, à se soumettre et à interpréter les postures des autres individus de la meute. Ceci se fait grâce aux jeux entre les chiots, sous la surveillance de la chienne, et grâce aux situations variées que le chiot est amené à découvrir. Un chiot trop tôt isolé de sa mère et de la portée ne connaîtra pas les signes de la reddition et ne limitera pas ses morsures. Si une race devient subitement très populaire, de nombreuses portées seront mises sur le marché le plus tôt possible, sans tri des individus tarés ; les chiots seront élevés dans un environnement pauvre, et aucune sélection génétique par le choix de reproducteurs ne permettra d’améliorer ou d’atténuer certains caractères gênants. Le nombre de représentants de la race va très vite augmenter, et dans une proportion encore plus importante celui des chiots non socialisés (voire non socialisables) et non éduqués, rendant des agressions prévisibles beaucoup plus graves

Si l’on garde à l’esprit ces quelques données de base, on ne peut plus parler de chien méchant ou de chien dangereux ou de chien agressif sans préciser la situation dans laquelle le chien serait « méchant » : une chienne acculée avec sa portée au fond d’un couloir étroit sans issue et sans autre possibilité pour se défendre et sauver ses chiots attaquera de manière tout à fait normale, et cette attaque sera très dangereuse car la chienne n’a pas le droit à l’erreur : elle doit vaincre dès ce premier combat. Les morsures qu’elle infligera seront très nombreuses, profondes, et ce quelle que soit sa taille.
Si certaines races de chien sont préférées pour les situations de combat potentiel, il ne s’agit que du choix de caractères physiques de la race (gabarit, vitesse, puissance musculaire, force des mâchoires) rendant le combat plus violent, et non d’une prédisposition naturelle ou innée à l’agressivité vis-à-vis des humains.


En conclusion, il n’y a pas de chien dangereux de manière innée et définitive, même si certains chiens sont de tempérament dominant ou hargneux et de ce fait sont plus sensibles à une erreur même légère d’éducation.
Il y a surtout des situations qui se traduiront systématiquement par une agressivité du chien, dont l’intensité dépendra de l’éducation ou du dressage reçu par l’animal, mais qui aura été déclenchée par la personne mordue elle-même, que ce soit un cycliste, un enfant qui envoie son ballon près de la gamelle d’un chien, une âme charitable qui recueille un animal blessé, ou une personne qui essaie de déloger le chien de son propre lit, lieu de couchage traditionnel de l’animal.

Enfin le chien n’est pas une machine au fonctionnement parfaitement maîtrisé et prévu : le chien le mieux éduqué, le plus sociable, le plus sympathique, pourra toujours mordre, parfois gravement, s’il est surpris dans son sommeil, s’il est piqué par une guêpe, s’il est perturbé par son environnement (foule dense et bruyante…).

Tout d’acte d’agression de la part d’un chien, même un simple « pincement », vis-à-vis d’un humain est grave et doit conduire à une consultation : tout d’abord il convient légalement de s’assurer de l’absence de contamination par le virus de la rage, ensuite il est nécessaire de chercher les causes de cette agression afin de limiter les risques de récidives.